LE TRIANGLE DE KARPMAN, un jeu relationnel épuisant dont il faut sortir.

KARPMAN

Nos relations s’expriment parfois comme une sorte de série B sinistre et même violente où, en fonction des circonstances et des interlocuteurs, chaque protagoniste adopte inconsciemment un rôle dramatisé à souhait. Ces rôles relationnels, théorisés par Karpman dans les années soixante, se retrouvent curieusement schématisés dans les… dessins animés : le Persécuteur, la Victime et le Sauveur.

Nous avons souvent un rôle dominant, mais passons aussi de l’un à l’autre, parfois très rapidement, au cours d’une seule conversation. Ces rôles bloquent l’évolution de la relation, aucun n’est meilleur ou pire qu’un autre, et ils se nourrissent d’un mélange de peur et de manque d’estime ou de confiance en soi. Ces rôles peuvent générer beaucoup de stress et engloutir des quantités d’énergie. L’idée générale est double :

  1. Apprendre à repérer le rôle que nous jouons car cela nous permet d’en sortir, tout simplement, afin de prendre sa vraie place dans la relation.
  2. Apprendre à repérer le fonctionnement habituel de nos interlocuteurs afin d’éviter de rentrer dans leur jeu.

Les relations professionnelles, qui s’inscrivent aussi fréquemment dans le triangle, sont davantage compliquées par les positions hiérarchiques, qui peuvent en renforcer les caractéristiques et les rendre extrêmement stressantes. Voici trois portaits tout à fait schématiques de nos héros du jour. Attention, il ne s’agit pas de nous auto-flageller en se disant qu’alors tout est de notre faute. Il faut deux personnes pour avoir un relation, chacun à sa part de responsabilité et ne peut agir que sur elle.

1- Le Persecuteur : Cruella nous voilà Le persécuteur, par crainte des échanges d’une relation qui l’inquiète, a besoin de dominer. Il construit son estime de soi aux dépends de l’autre. Pour cela, il établit les règles, décide, dirige et corrige à la moindre erreur. Il ne pardonne pas le plus petit écart et n’hésite pas alors à tenir des propos désobligeants, dévalorisants, voire humiliants, à faire des critiques destructrices, à mettre son interlocuteur en position d’infériorité, à manipuler, à culpabiliser. Insultes, menaces, harcèlement, colère peuvent faire partie de son attirail de parfait petit persécuteur.Ne nous y trompons pas, notre épouvantable persécuteur cache une personne pétrifiée de trouille face aux relations. C’est souvent un sauveur déçu qui, ne sachant plus comment s’y prendre, emploie la manière forte, ou une victime qui a décidé de se protéger. Et dans la vraie vie, il ressemble plus à Hermione Granger, au Dr House ou à Madame Olson qu’à une méchante de dessin animé.

2- Le Sauveur : Zorro est arrivé !!!! Le sauveur se construit une image acceptable de lui-même en volant à la rescousse de la veuve et de l’orphelin avec altruisme et générosité. Plutôt sympa, à première vue, non ? Le problème, c’est qu’en réalité, la détresse d’autrui provoque un mal être chez notre Zorro, ce qui le pousse à intervenir dans la vie d’autrui, plein de bonnes intentions, persuadé qu’il DOIT aider, et du coup à se positionner en protecteur, conseiller, expert, justicier… y compris quand on ne lui a rien demandé. Malheureusement, ce rôle est infantilisant pour l’interlocuteur, qui va finir par prendre ses jambes à son cou, laissant notre Zorro tout déçu devant l’absence totale de reconnaissance, ce qui peut le pousser à devenir persécuteur ou victime.

3- La Victime : Cendrillon, Caliméro et compagnie Le rôle de victime est de loin le plus fréquent. Attention, ne confondons pas le rôle relationnel de victime avec le statut (victime d’un accident, d’un cambriolage…) Notre victime, c’est Cendrillon : Elle a le sentiment que ce qui lui arrive n’est pas de sa faute, elle subit des circonstances et des personnes négatives. Elle a souvent l’impression d’être agressée, manipulée, et de rester impuissante. Elle peut alors se laisser diriger, mener contre son gré sans rien dire ou en se plaignant à des tiers. La victime cède sa part de responsabilité dans la relation à son interlocuteur.C’est un rôle fortement encouragé par l’éducation (on DOIT écouter ses parents, professeurs… sans répondre), poussant ainsi à subir Sauveurs et Persécuteurs sans moufter. Si l’on reprend l’exemple de Cendrillon, c’est aussi un rôle faussement confortable : il attire l’attention et évite la remise en question. Il révèle que notre victime s’accorde moins de valeur qu’elle n’en a et que sa tendance à se dévaloriser n’aide pas le passage à l’action.


SORTIR DU JEU
Nous jouons tous à des moments ces rôles, pour des raisons propres à chacun, pouvant être liées au besoin de reconnaissance, au renforcement des croyances personnelles, au besoin d’éviter l’intimité ou de prédire les autres…
Mais c’est parce que ce triangle dramatique et ses rôles sont tous destructeurs et ne conduisent pas à la perception de la réalité d’une situation, qu’il est important de le reconnaître, ainsi que ses composantes, chez soi-même comme chez les autres, et de s’en détacher.

Pour cela il est indiqué de :

  • prendre conscience de son rôle et des rôles joués par les autres dans un triangle dramatique,
  • être convaincu du caractère négatif et stérile du jeu (donnant une vision biaisée de la réalité de la situation, destructeur, consommateur de temps et consommateur d’énergie que l’on pourrait consacrer à des activités plus satisfaisantes),
  • prendre du recul dans les situations propices à installation du triangle dramatique, considérer la réalité en adoptant une vision d’Adulte neutre et apprendre à détecter le jeu petit à petit,
  • ne pas entrer dans le jeu en ne prenant pas le rôle attendu par l’autre (en s’extrayant physiquement ou verbalement de la situation, en répondant de façon totalement inattendue, par des transactions croisées…),
  • Ne pas « prendre » le sentiment racket en fin de jeu (faire vite autre chose qui occupe totalement l’esprit)
  • donner des signes de reconnaissances positifs aux interlocuteurs en dehors des périodes de stress,
  • et si vous être entré dans le jeu, le jouer à un niveau le plus léger possible…